Cyril ETESSE

Cyril ETESSE

COMEDIEN HUMORISTE



ONDAR et Jean-Louis Aubert

01 mai 2014
Spectacle et affiliés - 4 commentaires

Depuis que je participe à  "On n'demande qu'à  en rire" sur France2, je peux dire que ma vie a potentiellement changé. Ma vie artistique en tous cas : Programmations régulières, salles bien plus remplies qu'avant, public nombreux etc.
Avec la reprise de l'émission (depuis Avril 2014, après une absence de quelques mois suite au désir de la chaine de mettre à  sa place d'autres programmes... qui n'ont pas trouvé leur public) flanquée d'une nouvelle team (nouvel animateur, nouveau jury), le stress et les émotions font leur retour, mais l'adrénaline de défendre de nouveaux textes, personnages et situations et le bonheur de retrouver ce public si chaleureux aussi. Pour ce jour du 29 avril, date d'enregistrement, j'ai reçu une semaine auparavant mon thème pour ce qui sera mon 30eme sketch dans l'émission (hors participations aux oeuvres des copains et aux Primes) : "Aubert chante Houellebecq", en écho au nouvel album de Jean-Louis Aubert... Et ce qui allait accoucher de cette semaine d'écriture sera sans doute l'un de mes plus grands souvenirs de cette émission...


 

Je l'ai vécu avec "Hommage à  Louis de Funès", c'est un mélange de bonheur absolu de créer un sketch pour la TV sur une personnalité qui a marqué ou bouleversé nos vies, mais aussi un cadeau empoisonné car il faut être à  la hauteur du mythe et ne pas se laisser déborder par ses émotions ou sa passion.
Pour de Funès, j'avais réussi mon pari.
Je suis fan de Jean-Louis Aubert. Grand fan. Même si pourtant, je l'ai découvert sur le tard. Téléphone était séparé depuis bien longtemps lorsque j'ai vraiment prêté oreille au travail en solo de cet artiste. Ce n'était donc pas une écoute nostalgique d'un chanteur à  succès du passé, mais bien une "validation" totale suite à  la découverte du disque de l'époque, "Bleu blanc vert" qui est encore à  ce jour un de mes disques préférés.
La voix, la musique, et surtout la profonde gentillesse et sincérité qui émanent du personnage me séduisent depuis que je l'écoute. Aubert est pour moi vraiment un chanteur hors normes qui transpire d'humanité. Je l'ai vu de nombreuses fois en concerts et ai été à  chaque fois un peu plus convaincu de son amour du public en ce sens. Ses regards, ses sourires, ses mots ne laissent pas indifférents et ne laissent aucun doute à  ce qu'il est à  l'intérieur.
Imiter, disons plutôt caricaturer, Jean-Louis Aubert a été un peu naturel du coup. Sa façon de bouger les lèvres, ses clignements d'yeux quand il joue de la guitare, il a un physique et une voix caractéristiques mais finalement durs à  reproduire, ce qui explique sans doute que malgré son statut de star du rock, il soit finalement peu ou pas du tout imité.

Pour l'écriture de ce sketch, j'ai su de suite ce que je voulais : faire un hommage poétique à  Aubert. Pas envie de faire trop le rigolo ou de le tacler. Je ne sais pas faire et je n'y voyais pas quelque chose de drôle ou de défendable. Bien entendu, singer ses postures sur scène, sa voix... Tout ça m'amusait et je devais le faire, tout comme une parodie d'une de ses chansons. Je suis donc parti sur un constat d'évolution entre le Aubert d'hier, très rock, et le Aubert d'aujourd'hui, plus posé et poétique, avec quelques mots sur ce dernier album, l'écriture, l'amour etc.
Dans ma tête, je me disais que le final pourrait être une chanson de Jean-Louis jouée en live, la dernière en date "Isolement" qui est superbe... Et je me disais "Ce serait chouette si le vrai JLA pouvait venir"... Après tout, il était en pleine promo... Pourquoi pas... Si on ne demande pas, si on ne tente pas, on aura rien...
J'ai demandé, et par une suite de quelques mails à  des personnes précises, l'info est arrivée aux oreilles de l'intéressé. "Jean-Louis est au courant, l'idée l'amuse. Donnez-moi votre téléphone, il va vous appeler pour que vous vous accordiez dans vos agendas"... Voici la réponse que j'ai eu d'un poche de l'artiste qui manifestement me connaissait grà¢ce à  mes passages dans ONDAR et qui aimait mes prestations.
Le soir même, Jean-Louis en personne m'appelle. Je peux dire que pour le petit et modeste fan que je suis, entendre cette voix si familière et pourtant si inédite dans le combiné dire "salut Cyril, c'est Jean-Louis", ça vous retourne. J'ai du être ridicule sur le coup, certainement très bête. On ne sait pas trop quoi dire, et on expose le projet. On entend l'artiste rire et te parler comme s'il était un ami de 20 ans, et très naturellement, les liens se tissent. C'est assez inexplicable et ça me parait encore complètement fou maintenant...
"Ça peut être sympa, donne-moi un horaire et faisons-le"... Je rappelle la production pour leur dire que j'ai un guest important. Ils sont surpris et heureux. On me programme sur le 1er enregistrement car Jean-Louis doit partir un peu tôt pour une interview ailleurs dans Paris ce jour-là .
Je le rappelle, lui donne les horaires et on valide. Je suis pétrifié en réalisant que je vais donc sans doute jouer en live de la guitare quelques secondes d'une chanson d'Aubert AVEC Aubert...
"Jean-Louis, vous voulez..."
-Oh Cyril, tu peux me tutoyer !
-Ok, tu veux le texte pour voir si ça te va ?
-Tu plaisantes ? Non non...
Une dizaine de minutes incroyable. Je n'en reviens pas et je refuse même de croire que cette rencontre sera possible. Les répétitions d'ONDAR s'éternisent toujours, on commence toujours avec un peu de retard et si Jean-Louis doit partir à  17h30, ça me paraissait injouable qu'il vienne vraiment... Mais bon, je lui ai parlé, on a rigolé... C'est tout bête, mais ça existe. J'envoie des remerciements à  mon bienfaiteur qui a permis cette mise en relation et je me couche content.
La semaine passe, l'écriture se peaufine, le sketch est prêt. Lundi arrive. Je sais que Jean-Louis est en Belgique pour le week-end. Son manager me contacte dans l'après-midi. Il aimerait lire le texte. C'est normal, mais j'angoisse un peu... Et si jamais ce que j'ai écrit ne plait pas, si on me demande des modifs ? Et si JLA ne venait pas du coup ? J'envoie le texte... Le soir, texto de Jean-Louis : "ça a l'air bien. A demain" et quelques autres mots.
Je n'ai pas dormi. Ou mal. Mélange d'excitation et d'envie d'être à  la hauteur. Et cette impression d'être une midinette qui va rencontrer son idole...



Le Mardi, avec Max qui m'accompagne, on est les premiers au Moulin rouge. J'en profite pour jouer de la 12 cordes sur le plateau vide et réfléchir à  la mise en scène. La journée commence, on cale les répèts. D'emblée, je vois que c'est difficile. Le temps passe vite, à  quel moment de la chanson exactement faire entrer Jean-Louis ? Sachant en plus qu'il va arriver vers 15h30, pile quand le public est prêt à  rentrer dans la salle pour l'enregistrement de 16h15... Je me dit dans ma tête que c'est irréalisable sans couacs, que ça ne fonctionnera pas... A 15h20, par là , je tourne comme un fauve en cage. On vient me chercher : "Jean-Lous est arrivé"... Je vais dans la loge, on se regarde, un grand sourire, il m'embrasse comme si j'étais un vieux pote. On ne se connait pas pourtant. On a parlé 10 minutes au téléphone. Je l'ai vu pleins de fois sur scène, lui peut-être un peu à  la TV, et on commence à  blaguer sur tout et rien. Sur la musique, sur son album, sur l'émission, le sketch etc. Son manager et son attaché de presse l'accompagnent : Adorables et ouverts. Direction le plateau pour caler rapidement le son des guitares. C'est court mais ça le fait. Je suis sur le plateau, guitare 12 cordes Takamine en mains (la même que JLA sur ses anciennes tournées, que j'avais acheté parce que c'était son modèle), face à  lui. On joue "Isolement", il se marre. Les techniciens et humoristes de la journée nous regardent tous. On a l'impression d'un moment rare et fort et c'est bien le cas. Artus avait réussi à  ramener Michel Galabru dans ONDAR. Je crois que je suis le second à  ramener une aussi grosse pointure pour une quotidienne de l'émission...
On me maquille, on me déguise en Jean-Louis. Ça le fait rire "tu me ressemble mais en jeune !" ...La chute du sketch, c'est lui qui l'a trouvée "sans la perruque, tu ressembles plus à  Houellebecq qu'à  moi" ...Enfin, mon tour arrive. Jean-Louis regarde en coulisses. Je suis un peu ému. Je sais qu'il va arriver. Le sketch marche. Quelques vannes passent un peu à  côté. Le sketch, au final, n'est pas drôle. Il est juste émouvant, touchant. Comme je le voulais en fin de compte. Je me suis fait mon petit plaisir, j'ai ramené une star sur le plateau et je vais jouer avec... C'est un moment unique qu'on va vivre à  deux et partager avec des milliers de personnes. C'est incroyable. J'ai eu des frissons effrayants quand j'ai entendu sa voix chanter, que je le sens descendre les marches et que je vois le public et le jury atterrés de le voir débarquer. Jean-Louis a la pêche, il est heureux, il m'embrasse. L'instant est court mais jouissif. On remonte, les notes tombent. Le jury n'a pas trop aimé : "on est plus dans l'hommage d'un fan que dans le rire". C'est vrai, mais sur ce coup, je m'en moque. Ce moment a été incroyable. Après le tournage du sketch, Jean-Louis descend les escaliers hors-scène. Il croise Max et lui souffle "il est touchant, le petit". Retour en loges... Derniers remerciements, on s'embrasse, se prend dans les bras... J'ai la chance d'avoir rencontré des gens formidables et vécu des moments uniques souvent grà¢ce à  cette émission. Là , j'ai juste réalisé un vieux rêve de gosse que je n'aurai pas cru faisable à  ce point... Je garde dans un coin de ma tête toutes les autres choses qu'il a pu dire et que je n'écrirai pas. Peut-être par égoà¯sme et juste l'envie de garder pour moi ces choses... Mais l'essentiel est là . Quelle belle vie !

Commentaires

Yann
02 mai 2014  22:48

C'est touchant, vraiment beau de lire cela ! Ce genre de moment est rare et précieux dans une vie, et la manière dont tu le partages me rend heureux pour toi ! Le sketch était un hommage, qu'il soit moins drôle ou pas importe finalement peu

Antinea
02 mai 2014  12:18

Le sketch était très touchant et ce texte plus encore. Ce mélange de joie, d'angoisse et d'incrédulité, est la marque des beaux souvenirs qui vous accompagnent toute votre vie. Je vous en souhaite plein d'autres.

Virginie
02 mai 2014  11:00

Incroyable comme ton écriture est belle ! Tu m'as touché. Tu es heureux, je suis heureuse, que demandez d'autre ? :)

Maryse
02 mai 2014  11:00

Merci de partager ce que vous avez vécu et ressenti, J'aime encore plus



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