Mon cher Guillaume...
Je ne suis pas le plus légitime pour parler de toi. On se connait depuis quoi ? Une grosse dizaine d'années ? Durant ce temps, on a du se voir quoi ? Une bonne dizaine de fois ? C'est moins que tes amis les plus fidèles et réguliers qui te pleurent aussi depuis quelques jours. Finalement, nous étions tous les deux des copains... Des connaissances dans notre milieu humoristique.
Ça ne me dispense pas, cela dit, d'exprimer ma peine quelques jours après ton départ... Un départ si soudain qu'il est encore aujourd'hui difficile à admettre.
La première fois que je t'ai vu, je crois que ça devait être vers Pigalle, au théâtre du Bout à Paris, à l'époque où je démarrais ma programmation de "Shaolin ?" dans ce même endroit... J'avais vu quelques photos de toi sur le réseau d'alors, Myspace, où déjà tu affichais un humour très personnel. On s'est ensuite croisés dans des concours et autres scènes ouvertes, entre autres l'Humour en Capitales. Au-delà de ton physique atypique, c'est surtout ta verve qu'on retenait et qui faisait mouche. Je me disais alors, et loin de moi la prétention de me donner des airs devins, que "ce mec-là, c'est un sacré personnage qui a quelque chose à faire dans notre métier"...
Et puis chacun d'entre nous a fait sa route depuis ces jours-là. La liste de tous les copains qu'on a croisé est longue. Certains ont disparu, d'autres sont devenus de grands artistes. Je t'ai revu à la grande époque d'On n'demande qu'à en rire, dans le fameux sketch avec Jérémy Ferrari, qui allait te faire exploser et te révéler. J'étais dans la salle, que tu avais retournée, ce jour-là, à côté des caméramans, qui pleuraient de rire eux aussi. Il s'est clairement passé quelque chose. Tout le monde l'a vu, l'a senti. Sans doute Jérémy plus qu'un autre, lui qui t'a tant porté et apporté par la suite.
Je ne sais pas comment te rendre hommage.
Tous ceux qui ont traversé ta vie, ou qui t'ont juste connu par le biais d'Internet et la télé, à l'instar de ces milliers d'internautes qui affichent leur tristesse aujourd'hui, soulignent tous la même chose... Ta grande gentillesse, ton humilité et ta force dissimulées derrière tes vannes acérées. Des vannes que toi seul pouvait porter et faire passer. Tu avais l'air de tellement pouvoir tout entendre. Pourtant, je n'ai jamais réussi à me permettre de t'envoyer des scuds de la teneur de ceux que tu m'envoyais gentiment. Par pudeur peut-être... Je n'en sais rien. Sans doute parce que même si je t'aimais beaucoup, je ne me considérais pas suffisament comme un intime pour tavoir le droit de te tacler.
C'est sans doute la raison qui fait que je trouve lourds les gens qui ne t'ont jamais vu, faire des blagues sur ton cercueil ou que sais-je encore, en commentaire sous la publication de Jérémy Ferrari ou Laura Laune.
Pas sûr qu'il y ait urgence, là où justement, aucun humoriste n'a fait de vanne sur ton départ.
Il le sait, je détestais quand toi et notre ami commun Jérémy (pas Ferrari), malade lui aussi, vous parliez de deviner qui allait mourir le premier. Trop d'affection et de respect pour toi sans doute, au vu de ce que tu as vécu, et de ce que tu as accompli.
Tu pouvais bien te foutre de mes gouts vieillots, me parler de ma comédie sur Bourvil (au lieu de De Funès !) en criant dans une très mauvaise imitation "mon vélo ! mon vélo !", je t'adorais et tu me faisais rire dans ces moments-là.
Je veux juste terminer en soulignant ta grande tendresse. La dernière fois que nous nous sommes vus, c'était sur un plateau d'humoristes. J'étais pas très bien ce jour-là, sans raison particulière. Un peu stressé sans doute, je n'avais plus joué mon solo depuis quelques temps, très investi dans ma pièce avec Antony Vincent, "les pieds nus dans la neige". Comme d'habitude, tu m'as charié "Fais pas ce sketch, Etesse, c'est dépassé, tu vas te planter !"
Sans dire que je me suis planté, je n'ai d'ailleurs par la suite en effet pas été brillant sur ma prestation. Quand on est bon, on le sait, quand on ne l'est pas, on le sait aussi. En sortant de scène, tu es venu vers moi. Tu as ri en repensant à notre échange quelques minutes plus tôt et puis tu as du sentir que j'étais pas top ni très fier... Tu ne m'as rien dit cette fois, juste fait ton grand sourire et ton regard pétillant et tu m'as enlacé dans tes grands bras. Et je sais que cette tendresse discrète voulait tout dire chez toi.
Merci Guillaume.
Je ne savais pas que ce serait la dernière fois que je te verrais... Tu m'avais mis les larmes aux yeux par ta gentillesse, tu me les fait pleurer pour de bon depuis quelques jours...
Comme tous ceux dont tu as traversé la route ou la vie, je peux t'assurer que je ne t'oublierai jamais.
On ne dit pas vraiment ça à un simple copain parmi d'autres... Mais quand même... Je t'aime mon pote.
Bon voyage, mon cher Guillaume.
Cyril Etesse.